« C’est extrêmement rare que j’aie l’occasion de rencontrer des jeunes en formation qui veulent devenir journalistes, ça m’intéresse beaucoup de pouvoir échanger avec vous », a confié Pierre Louette en ouverture.

Invité à l’ESJ Paris pour notre conférence du Mardi devant les étudiants, Pierre Louette, PDG du groupe Les Échos – Le Parisien, a partagé sa vision des mutations du journalisme à l’ère numérique. À la tête du pôle média du groupe LVMH, qui rassemble 36 marques et organise de grands événements comme VivaTech, il a fortement accéléré la transition digitale, s’adressant aujourd’hui à plus de 500 000 abonnés, majoritairement numériques. Auteur de l’ouvrage Des géants et des hommes (Robert Laffont, 2021), où il analyse l’emprise des GAFA sur nos vies, Pierre Louette a livré aux étudiants un témoignage très riche sur les défis et les opportunités du métier de journaliste.
Pour lui, si de nouvelles techniques se dessinent aujourd’hui pour pratiquer le journalisme, certaines valeurs clés demeurent immuables :
- La curiosité, « cette disposition mentale particulière » qui apparaît pour certains dès le plus jeune âge : une envie d’observer, de capter, de décrypter, une faculté à lever la tête et faire un pas de côté pour raconter.
- La passion des faits vérifiés, le goût d’aller chercher l’information soi-même avec beaucoup d’ardeur et d’exigence pour recouper ses sources (« à l’AFP, on sort au moins deux sources avant de publier »).
- La quête de vérité, dans une époque où le fait lui-même est parfois objet de discussion.
« Vous allez apprendre ici un socle de techniques mais surtout un socle de convictions sur le métier : pas du bidonnage, pas de simplification, pas de facilité. Cultivez vos valeurs, façonnez vos différences, pour atteindre le plus haut niveau possible, c’est ça l’enjeu », insiste-t-il.
La question de l’intelligence artificielle a naturellement occupé une place centrale dans les échanges. Pierre Louette a tenu à rassurer : « Ne soyons pas des victimes conditionnées. L’IA ne propose pas ce qui n’a pas déjà été pensé ou intégré, elle n’invente pas la suite ! Elle brasse des mots grâce à des puissances de calcul fantastiques. Vous, vous pourrez inventer au sens latin du terme, c’est-à-dire faire émerger ce qui n’est pas encore sorti. Et ça, c’est particulièrement exaltant ! »
Pour lui, l’IA doit être vue comme un outil surpuissant que les journalistes doivent apprendre à maîtriser, tout en respectant le « contrat de sincérité » avec leurs lecteurs. La clé réside dans l’autorégulation et la capacité à délivrer une information de qualité, exacte et sourcée. « Si vous luttez contre le narratif, cette couche de langage ajoutée sur la réalité, vous maintiendrez la confiance », a-t-il ajouté. « Entretenons l’envie collective que ça marche » !
Au-delà des outils, Pierre Louette a rappelé l’importance pour un journaliste de s’intéresser à tout, y compris au monde de l’entreprise : « Parler du monde de l’entreprise ici, dans une école de journalisme, ce n’est pas décalé. Vous devez vous intéresser à ce qui s’y passe, et notamment à ce qui s’y passe de bien : raconter la vie, raconter l’aberrant, raconter la normalité, c’est ça la beauté de votre mission. »








